Après le décès de son oncle Abû Tâlib, la priorité du Prophète ﷺ est de trouver un clan qui accepte de le protéger des notables de Quraysh. Ne trouvant aucun soutien à La Mecque, il décide de se rendre à Taïf, une cité située à près de quatre-vingt-dix kilomètres de La Mecque, perchée à 5 000 pieds d’altitude. Les Thaqîf, habitants de cette région, forment la deuxième puissance d’Arabie après les Qurayshites, avec qui ils rivalisent aussi bien sur le plan commercial que pour le prestige. Le Prophète ﷺ s’y rend donc à pied, à travers les montagnes, pour solliciter la protection de ses notables et leur transmettre son message. Ce voyage représente une initiative risquée. Il est fort probable que la tribu de Thaqîf rejette son appel, ce qui renforcerait l’hostilité des Qurayshites à son encontre. Ces derniers verraient d’un très mauvais œil le fait que leur concitoyen ait recherché l’appui de leurs rivaux. Malgré ce danger, le Prophète ﷺ tente l’aventure, mais essuie un échec. Il quitte La Mecque discrètement, à pied, sans solliciter de monture auprès de ses compagnons, afin de ne pas éveiller les soupçons des Qurayshites qui surveillent ses mouvements. Il veut leur faire croire qu’il s’éloigne simplement de la ville pour une courte sortie. Son fils adoptif Zayd b. al-Hâritha l’accompagne dans ce périple, car le Prophète ﷺ a alors déjà cinquante et un ans.
À son arrivée à Taïf, il ne s’adresse pas directement au peuple, comme il le faisait à La Mecque. Il réserve ses propos aux trois notables de la cité, leur exposant son appel et les invitant à l’Islam. Mais leur réponse est cinglante. Le premier dit : « Dieu n’a-t-Il pas trouvé meilleur que toi pour transmettre Son message ? » Le second déclare : « Je ne parlerai jamais avec toi. Si tu dis vrai et que tu es un Envoyé de Dieu, je suis trop insignifiant pour te répondre. Et si tu mens, alors je n’ai pas à discuter avec un menteur. » Le troisième renchérit : « Si Dieu t’a vraiment envoyé, alors je déchirerai moi-même les tissus de la Ka‘ba. » Face à leur refus, le Prophète ﷺ leur demande au moins de garder sa visite secrète. Il souhaite qu’ils n’informent pas les mecquois de sa démarche. Mais les notables de Taïf, non seulement rejettent son message, mais envoient aussitôt un messager à La Mecque pour prévenir ses habitants de sa tentative. Déçu, le Prophète ﷺ demande à quitter la ville en paix. Mais les notables de Thaqîf ordonnent à leurs esclaves et à leurs enfants de lui barrer le chemin, de l’insulter et de lui jeter des pierres. Ils se rangent le long de la route et le frappent à chaque pas. Malgré les efforts de Zayd pour le protéger, le Prophète ﷺ est touché à la tête et aux pieds, et le sang coule.
Le retour du Prophète ﷺ à la Mecque
Le Prophète ﷺ quitte précipitamment la ville de Taïf et ne s’arrête qu’une fois arrivé à un verger. Accompagné de Zayd, il y entre et s’assoit à l’ombre d’un palmier pour se reposer. Blessé aussi bien dans son corps que dans son cœur, il lève les mains vers le ciel et invoque Dieu. Mais au lieu de demander le châtiment pour ceux qui viennent de le maltraiter, il prononce une invocation d’une beauté bouleversante : « Ô mon Dieu ! Je me plains à Toi de la faiblesse de mes forces, de l’insuffisance de mes moyens, et du mépris que les gens me témoignent. Tu es le plus Miséricordieux des miséricordieux. Tu es le Seigneur des faibles, Tu es mon Seigneur. À qui m’abandonnes-Tu ? À un étranger qui me traite durement ? Ou à un ennemi qui a pouvoir sur moi ? Si Tu n’es pas en colère contre moi, alors je ne me soucie de rien. Mais Ta protection est plus vaste pour moi. Je cherche refuge dans la lumière de Ton visage par laquelle les ténèbres s’illuminent, et par laquelle se règlent les affaires de ce monde et de l’au-delà, pour que Ta colère ne s’abatte pas sur moi, ou que Ton courroux ne m’atteigne. C’est à Toi seul qu’il revient d’être satisfait, jusqu’à ce que Tu sois pleinement satisfait. Il n’y a de puissance ni de force si ce n’est par Toi. »
Le jardin où le Prophète ﷺ se réfugie appartient à ‘Utba et Shayba, les fils de Rabî‘a. Tous deux sont présents lorsqu’il lève les bras vers le ciel pour invoquer Le Tout-Puissant. Touchés par la scène, ils éprouvent de la pitié et appellent l’un de leurs esclaves, du nom de ‘Addâs, pour qu’il serve une grappe de raisin au Messager de Dieu ﷺ. Ils lui disent : « Prends une grappe de raisin, mets-la dans un plat, et va la lui offrir. » ‘Addâs est un jeune esclave originaire de Ninive, en Irak. Il s’approche du Prophète ﷺ et s’assoit près de lui. En tendant la main vers la grappe, le Prophète ﷺ prononce : « Au nom de Dieu. » Étonné, ‘Addâs le regarde et dit : « Par Dieu, les gens d’ici ne disent pas ce genre de mots. » Le Prophète ﷺ lui demande alors : « Quel est ton nom ? » Il répond : « Je m’appelle ‘Addâs. » Le Prophète ﷺ poursuit : « Et de quelle région viens-tu, ô ‘Addâs ? » Il répond : « De Ninive. » Alors le Prophète ﷺ dit : « La ville de l’homme vertueux Yûnus b. Mattâ ? » Surpris, ‘Addâs demande : « Vous connaissez Yûnus b. Mattâ ? » Le Prophète ﷺ lui répond : « Oui, c’est mon frère. Il était prophète, et moi aussi, je suis prophète. » Bouleversé, ‘Addâs se jette à terre et embrasse les pieds du Messager de Dieu ﷺ. Quand ses maîtres le voient, ils s’indignent et lui disent : « Que fais-tu là ? » ‘Addâs leur répond : « Il n’y a pas sur cette terre un homme meilleur que lui. Il m’a parlé d’une chose que seul un prophète peut savoir. » Ils le réprimandent à nouveau et le mettent en garde : « Ne quitte pas la religion de tes ancêtres. La nôtre vaut mieux que la sienne. »
Le Prophète ﷺ prend le chemin du retour vers la Mecque. Lorsqu’il passe près d’un lieu appelé Qarn al-Manâzil, l’ange Gabriel descend avec l’ange des montagnes pour le rencontrer. L’ange Gabriel lui dit : « Ô Muhammad ﷺ, Dieu a entendu ta plainte et les paroles que ton peuple t’a adressées. Il m’envoie avec l’ange des montagnes : ordonne-lui ce que tu veux. » L’ange des montagnes prend la parole et dit : « Si tu le veux, je fais s’effondrer sur eux les deux montagnes qui les entourent. » Mais le Prophète ﷺ répond : « Non. J’espère que Dieu fera sortir de leurs reins une descendance qui L’adorera sans rien Lui associer. » Alors l’ange lui dit : « Véridique est Celui qui t’a nommé le Compatissant et le Miséricordieux. » C’est ainsi que Dieu le désigne dans le Coran : « Un Prophète, issu de vous-mêmes, est venu vers vous ! Il compatit à ce que vous endurez et il est plein de sollicitude pour vous, car il est toute bonté et toute compassion pour les croyants » [9 : 128].
Après cet événement, le Prophète ﷺ poursuit sa route vers la Mecque. La fatigue du voyage et les douleurs endurées ne l’empêchent pas de veiller la nuit pour prier son Seigneur – une adoration à laquelle il tient profondément. Un soir, alors qu’il est en prière, un groupe de djinns passe près de lui et entend la récitation du Coran. Dieu révèle à ce sujet : « Dis : ‘Il m’a été révélé qu’un groupe de djinns, ayant entendu réciter le Coran, s’écrièrent : ‘Nous venons d’entendre là une merveilleuse lecture qui met sur la voie de la droiture, et nous y avons cru ! Désormais, nous ne donnerons plus aucun associé à notre Seigneur’ » [72 : 1 et 2]. Fascinés par la beauté du Coran, ils repartent croyants et vont avertir leur peuple. Le Coran rapporte leur témoignage : « Souviens-toi de ce groupe de djinns que Nous dirigeâmes vers toi pour entendre réciter le Coran et qui, une fois en ta présence dirent : ‘Soyons attentifs !’ Et, quand la lecture fut achevée, ils s’en retournèrent auprès des leurs pour les avertir. ‘Ô notre peuple, dirent-ils, nous venons d’entendre un Livre révélé après Moïse, qui confirme les Écritures anciennes, mène tout droit à la Vérité et conduit à la voie de la rectitude ! Ô notre peuple ! Répondez à l’Apôtre de Dieu et croyez en lui ! Dieu absoudra une partie de vos péchés et vous épargnera de cruels tourments’ » [46 : 29 à 31].
Zayd, inquiet, craint l’accueil des Qurayshites. Il se demande comment ils seront reçus, maintenant qu’ils sont excommuniés depuis la mort d’Abû Tâlib. En effet, après avoir pris la tête des Banû Hâshim, Abû Lahab avait aussitôt rompu la protection tribale accordée au Prophète ﷺ. Ce retrait d’alliance rendait le retour à La Mecque particulièrement dangereux. Mais le Prophète ﷺ le rassure avec sérénité : « Dieu trouvera un heureux dénouement à cette épreuve et fera triompher Son Prophète ﷺ. » Il propose à Zayd d’aller demander la protection de certaines tribus installées autour de La Mecque. Mais personne n’ose s’opposer aux Qurayshites. Finalement, un noble mecquois, al-Mut‘im b. ‘Adî, accepte de le protéger. Il ordonne à ses fils d’escorter le Prophète ﷺ jusqu’à La Mecque. Grâce à cette protection, le Prophète ﷺ entre dans sa cité sans crainte des représailles.
- La plainte du Prophète ﷺ : adoration dans l’épreuve et confiance en Dieu
- Quand la compassion de ‘Addâs répond à la violence des notables de Taïf
- Hériter du Prophète ﷺ, c’est souffrir pour sa mission
- Croire aux djinns, c’est croire à l’invisible voulu par Dieu
- La confiance inébranlable du Prophète ﷺ face à l’épreuve de Taïf
Les épreuves et les souffrances endurées par le Prophète ﷺ, notamment à Taïf, revêtent une portée morale et éducative essentielle à sa mission. De même qu’il enseigne aux hommes la vérité sur l’univers, sur son Créateur, sur les rites, les normes morales et les règles de la vie sociale, le Prophète ﷺ incarne et transmet une éthique de la patience que Dieu lui-même érige en devoir : « Ô vous qui croyez ! Armez-vous de patience ! Rivalisez de constance ! Soyez vigilants et craignez Dieu, si vous désirez atteindre le bonheur ! » [3 : 200]. Le Prophète ﷺ voulait montrer que la patience et l’endurance face aux épreuves sont des principes fondamentaux de l’islam. Celui qui observe extérieurement le récit de l’émigration, sans en sonder la profondeur, pourrait croire que le Prophète ﷺ fut accablé par les épreuves, qu’il perdit courage et se sentit dépassé par les événements. C’est ainsi qu’il pourrait mal interpréter l’invocation qu’il adresse à Dieu dans le jardin des fils de Rabî‘a, lorsqu’il implore Sa miséricorde pour sa faiblesse et Lui demande pardon de n’avoir pu faire aboutir sa mission. Mais en réalité, le Prophète ﷺ accepta ces épreuves avec courage, les supporta avec foi et espérance. Il aurait pu répondre aux offenses, se venger de ceux qui l’avaient humilié, de ceux qui lui avaient fermé leur porte et s’étaient violemment opposés à sa mission. Mais il ne voulut point user de représailles. Par son attitude, il a enseigné à ses compagnons et à tous les musulmans qui leur succèderaient à endurer les difficultés avec patience, dans l’unique but de plaire à Dieu.
On pourrait toutefois se poser cette question : « Pourquoi alors le Prophète ﷺ se plaignait-il ? Pourquoi ses paroles exprimaient-elles si souvent la lassitude ? » La réponse réside dans cette vérité : se plaindre à Dieu, c’est en réalité L’adorer ; L’implorer, c’est s’en remettre à Lui et se soumettre à Sa volonté. Les épreuves rapprochent l’homme de son Seigneur et renforcent sa dévotion. Il n’y a donc aucune contradiction entre l’endurance face à l’épreuve et le fait de se plaindre à Dieu. Le Prophète ﷺ nous a enseigné que la patience est l’apanage du croyant, en particulier de celui qui appelle à l’amour de Dieu en affrontant avec courage les épreuves. Mais il nous a également appris la soumission à Dieu, en L’invoquant sans relâche et en Lui confiant ses peines. Aussi élevée que soit l’âme, elle ne peut dépasser la nature humaine. L’homme est, par essence, un être sensible, traversé par des émotions : la joie et la félicité le réjouissent, tandis que la douleur et la souffrance l’atteignent et le troublent. Cela signifie que le Prophète ﷺ, tout en fortifiant son âme pour supporter toutes sortes de souffrances dans la voie de Dieu, restait un homme, animé par l’aspiration au bonheur et la crainte de la douleur. Toutefois, le Prophète ﷺ accueillait les épreuves et les difficultés, car elles étaient pour lui un moyen de prouver son obéissance, de mettre à l’épreuve sa patience, et de démontrer sa responsabilité dans la voie de Dieu, dans l’unique but de gagner Son agrément.
Muhammad S. R. Al-Bûtî (Fiqh al-Sîra)
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C’est vers l’Unique, son Protecteur et son Intime Confident, que le Prophète ﷺ se tourna lorsque toutes les voies terrestres semblaient closes. Ses paroles n’exprimaient aucun doute quant à sa mission, mais traduisaient simplement son impuissance d’homme et son ignorance des desseins divins. À cet instant précis, loin des regards, dans la solitude de la foi, il s’abandonna entièrement à Dieu, confiant en Sa miséricorde. Cette prière, transmise à travers les siècles, manifeste l’intensité de sa confiance et la paix qu’il puise dans sa relation à l’Infiniment Proche. Elle dévoile à la fois la vulnérabilité humaine de l’Envoyé ﷺ et la puissance spirituelle qu’il tire de son lien profond avec Dieu. Apparemment seul, sans appui visible, il sait, au fond de lui, qu’il ne l’est jamais.
Tariq Ramadan (Muhammad, vie du Prophète)
Les épisodes relatant la vie du Prophète ﷺ au sein de sa tribu sont, pour certains, particulièrement éprouvants et douloureux. Pourtant, chaque scène contient une lumière, un signe clair de la Providence : une réponse céleste face à l’hostilité humaine, un baume spirituel destiné à consoler le Prophète ﷺ, à raffermir son cœur et à l’éloigner du désespoir. Ainsi, lors de son douloureux voyage à Taïf, au milieu des souffrances et des humiliations, Dieu intervint avec subtilité pour lui redonner espoir, par l’intermédiaire d’un jeune chrétien nommé ‘Addâs. Ce dernier s’approcha du Prophète ﷺ avec une assiette de raisin, puis, ému et convaincu, embrassa ses mains et ses pieds avec respect et dévotion, reconnaissant en lui un véritable Prophète. Mustafâ Sâdiq al-Râfi‘î, méditant ce passage, s’était exclamé : « Quelle merveilleuse expression de la Providence dans ce récit ! » En effet, la générosité et la douceur de ce jeune chrétien ont effacé la cruauté, l’ignorance et l’injure : aux paroles violentes ont succédé des gestes empreints de tendresse et de respect. Ce contraste est d’autant plus saisissant que les deux fils de Rabî‘a, maîtres de Taïf, étaient eux-mêmes parmi les notables qurayshites qui avaient réclamé à Abû Tâlib de cesser de défendre Muhammad ﷺ, afin qu’ils puissent en finir. Pourtant, la morale prônée par l’Islam a su triompher de l’instinct brutal et du fanatisme aveugle : l’arrogance a cédé le pas à la compassion, la haine à la reconnaissance. Le soutien de ce jeune chrétien représente aussi, à un niveau plus profond, l’harmonie naturelle entre les religions révélées : la chrétienté, dans ce qu’elle conserve de vrai, reconnaît l’authenticité de l’Islam. Les religions divines se complètent, à la manière de deux frères : mais là où la fraternité de sang unit les corps, la fraternité spirituelle unit les intelligences et les cœurs. Enfin, le symbole de la grappe de raisin offerte prend tout son sens : fruit doux, nourricier et porteur de semences, elle annonce l’expansion future de l’islam, comme une vigne étendant ses rameaux d’un royaume à un autre.
Muhammad S. R. Al-Bûtî (Fiqh al-Sîra)
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En un seul voyage, le Prophète ﷺ fut confronté à trois types de comportements venant de trois groupes distincts : les uns le lapidèrent, les autres lui offrirent l’hospitalité, et un troisième reconnut la véracité de sa mission. Cet épisode porte en lui une leçon essentielle : dans ce monde, les possibles sont infinis. Même dans une vaste étendue aride, il existe toujours un arbre sous lequel l’on peut s’abriter. Face à la brutalité et à la haine, il ne faut jamais céder au désespoir. Car si l’on persévère avec droiture sur le chemin de la vérité, et si l’on refuse de répondre à la cruauté par la haine, Dieu finit toujours par accorder Son secours. Certains rejetteront votre appel, mais d’autres, à coup sûr, vous ouvriront leur cœur.
Wahidudine Khan (Mohamed un Prophète pour l’humanité)
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‘Addâs accepta l’Islam à l’issue de quelques instants de conversation. Après le roi chrétien d’Abyssinie, qui avait immédiatement perçu la continuité entre les deux révélations, c’était désormais un jeune esclave, lui aussi chrétien, qui faisait preuve de la même clairvoyance. Deux fois déjà, sur le chemin de Muhammad ﷺ, au cœur de l’épreuve et de la solitude, des croyants issus du christianisme lui avaient témoigné foi, respect et protection : un roi avait offert refuge aux musulmans, leur garantissant la sécurité ; un esclave avait servi leur Prophète, au moment même où tous l’avaient rejeté, lui et son message.
Tariq Ramadan (Muhammad, vie du Prophète)
Zayd b. al-Hâritha, qui reçut à la place du Prophète ﷺ les pierres lancées par les fanatiques et fut blessé à la tête, incarne le modèle de ce que doit être tout véritable compagnon du porteur de la mission : se tenir à ses côtés, le protéger de sa propre personne, le défendre jusqu’à, s’il le faut, sacrifier sa vie pour lui. Telle fut l’attitude des compagnons à l’égard du Prophète ﷺ de son vivant. Aujourd’hui, le Prophète ﷺ n’est plus parmi nous, et il ne nous est plus possible de le défendre physiquement comme le faisaient ses compagnons. Mais notre devoir demeure : poursuivre sa mission, affronter les épreuves, endurer les souffrances, comme il l’a fait. Le Prophète ﷺ doit avoir, à chaque époque, des héritiers qui poursuivent son œuvre. Il incombe à tous les musulmans de soutenir ces continuateurs, de les accompagner corps et âme, à l’image des croyants fidèles qui entouraient le Prophète ﷺ.
Muhammad S. R. Al-Bûtî (Fiqh al-Sîra)
Quant aux djinns qui entendirent le Prophète ﷺ une nuit à Nakhla, alors qu’il était en prière, leur présence atteste non seulement de leur existence, mais aussi du rôle qu’ils occupent dans la création. Cet événement montre clairement que certains djinns crurent en Dieu tandis que d’autres persistèrent dans leur négation. Le Coran les mentionne sans ambiguïté, rappelant leur nature et leur responsabilité spirituelle. Ce qu’il importe avant tout de retenir, c’est que le croyant doit avoir foi en l’existence des djinns, car Dieu les a créés, tout comme les humains, pour L’adorer. Le fait que nous ne les voyions pas n’invalide en rien leur existence ; nos sens ne sont tout simplement pas conçus pour percevoir tous les types de créatures. Nos facultés sont limitées et ne captent qu’une portion de la réalité, dans des conditions précises. L’existence des djinns repose sur des sources authentiques et attestées, transmises par le Coran et la Sunna. L’islam considère cette vérité comme faisant partie des éléments fondamentaux du credo. Dès lors, celui qui nie leur existence renie un fait clairement établi par Dieu et Son Prophète ﷺ ; il conteste une vérité que l’islam tient pour essentielle, ce qui le fait sortir du cadre de la foi. Il serait donc absurde, pour quiconque se réclame de la raison, de prétendre ne croire qu’en ce qui peut être prouvé par les sens ou validé par la science expérimentale. Car la science elle-même reconnaît que ce qui échappe à nos instruments ou à nos sens n’est pas pour autant inexistant. Autrement dit, l’absence de perception ne signifie pas l’absence d’être. L’invisible n’est pas l’irréel — et c’est précisément dans cet horizon que la foi s’ouvre à l’infini.
Muhammad S. R. Al-Bûtî (Fiqh al-Sîra)
Comment les événements si éprouvants vécus par le Prophète ﷺ à Taïf ont-ils agi sur lui ? La réponse se trouve clairement dans les paroles qu’il adressa à Zayd b. al-Hâritha, qui, surpris, lui demanda : « Comment peux-tu retourner à La Mecque alors qu’ils t’en ont expulsé ? » Le Prophète ﷺ lui répondit avec calme et confiance : « Ô Zayd, Dieu accorde toujours une issue à toute difficulté, Il soutient Sa religion et aide Son Prophète à triompher. » Ces paroles ne sont pas simplement l’expression d’une volonté humaine ou d’un tempérament naturellement endurant. Elles traduisent la conviction inébranlable d’un Prophète conscient de marcher sur la voie que Dieu lui a tracée, et persuadé que le soutien divin ne fait jamais défaut. Car Dieu accomplit inévitablement ce qu’Il a décrété, et pour chaque chose, Il a fixé un terme.
La leçon à tirer de cette scène est claire : les épreuves et les obstacles sur le chemin de la mission de l’islam ne doivent jamais être un frein à l’effort ni une cause de découragement. Celui qui place sa confiance en Dieu trouve en Lui une force immense, une source d’espérance qui le protège du désespoir et le mène avec certitude vers la réussite. En revanche, seuls les obstacles rencontrés sur un chemin que Dieu ne soutient pas peuvent entraîner découragement, lassitude et impuissance. Car dans ce cas, l’homme agit seul, sans appui divin, limité à ses propres capacités humaines. Et dans cette condition, face à des souffrances prolongées ou à des épreuves tenaces, il est naturel qu’il cède à l’épuisement et à l’abattement — car l’endurance humaine, laissée à elle-même, a ses limites.