Le pacte d’al-Fudûl fut une alliance conclue dans la demeure de ‘Abdallâh b. Jad‘ân entre plusieurs clans de La Mecque : les Banû Hâshim, les Banû al-Muttalib, Asad b. ‘Abd al-‘Uzzâ, Zuhra b. Kilâb et Taym b. Murra. Cette alliance avait pour but de défendre les droits des opprimés et des plus démunis face aux injustices et aux abus de pouvoir.
L’événement qui mena à la formation de ce pacte fut le suivant : un homme étranger vint à La Mecque pour vendre des marchandises. Après les avoir cédées à un notable mecquois, ce dernier refusa de le payer. Ne bénéficiant de la protection d’aucune tribu, le marchand se retrouva sans recours. Il monta alors sur le mont Abû Qubays et, en appel à l’honneur des Qurayshites, implora leur aide. Seuls cinq clans répondirent à son appel ; aucun Mecquois ne s’y opposa. C’est ainsi que les membres de cette alliance, animés par un esprit de justice et de noblesse, décidèrent d’unir leurs forces pour soutenir les plus faibles. Par la suite, les membres de cette chevalerie intervinrent à plusieurs reprises en faveur des opprimés.
Le Prophète ﷺ resta profondément marqué par cette alliance. Bien après la Révélation, il évoquait avec fierté sa participation à ce pacte. Il déclara à ses compagnons : « J’ai assisté, dans la maison de ‘Abdallâh b. Jad‘ân, à la conclusion d’un pacte. Je n’échangerais pas la part que j’y ai prise contre un troupeau de chameaux rouges. Et si l’on me demandait, maintenant, en Islam, d’y prendre part, je répondrais favorablement. »
- L’engagement du Prophète ﷺ contre l’injustice
- L’universalisme moral du Prophète ﷺ
Ces propos montrent à quel point le Prophète ﷺ était honoré d’avoir pris part à cette alliance. Défendre la victime, quelle que soit son humilité, et s’opposer au tyran, quelle que soit sa puissance, constitue l’essence même de l’islam — une religion fondée sur l’ordre moral : recommander le bien et interdire le blâmable. L’islam s’érigera toujours contre la tyrannie, qu’elle soit manifeste sur la scène internationale ou dissimulée dans les relations entre individus au sein d’une même société. Ceux qui marchent sur les traces du Prophète ﷺ poursuivront sans relâche ce combat : ils résisteront à l’injustice, affronteront l’arrogance et défendront les opprimés, avec courage et loyauté
Muhammad al-ghazâlî (Fiqh al-Sîra)
Le Prophète ﷺ a reconnu la valeur d’un pacte conclu avant même la révélation, visant à défendre les opprimés et à instaurer la justice, montrant ainsi que certains principes éthiques sont universels et peuvent précéder la législation révélée. Il a validé un engagement pris par des non-musulmans, motivés par une quête sincère du bien commun, soulignant que la pertinence morale d’un acte ne dépend ni de l’appartenance religieuse de son auteur, ni de son origine communautaire, mais bien de sa conformité aux valeurs de justice et de dignité humaine. L’islam ne rejette pas systématiquement ce qui provient d’ailleurs, mais distingue le vrai du faux à travers la lumière de la Révélation. En agissant ainsi, le Prophète ﷺ a éduqué ses compagnons à reconnaître le bien là où il se trouve, à développer une conscience ouverte à l’universel, et à comprendre que la vertu ne se limite pas à l’identité religieuse, mais réside dans la droiture, la lucidité et la reconnaissance de la vérité. Cela se reflète dans cette parole prophétique : « Les meilleurs d’entre vous à l’époque préislamique seront aussi les meilleurs dans l’islam, s’ils en comprennent le sens. » (al-Bukhârî et Muslim).