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PARTIE 6 : MARIAGE AVEC KHADÎJA ET LES ENFANTS DU PROPHÈTE ﷺ

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Le Prophète ﷺ a vingt-cinq ans lorsqu’il effectue son premier voyage commercial pour le compte de Khadîja. À son retour de Syrie, Maysara, le serviteur de Khadîja, lui rapporte ce qu’il a observé durant le voyage : il se dit profondément impressionné par la haute moralité, l’honnêteté et la noblesse de caractère du Prophète ﷺ. Touchée par ces éloges, Khadîja confie à son amie Nafîsa son désir d’épouser Muhammad ﷺ. Selon Ibn Ishâq, quelque temps après le retour du Prophète ﷺ, Khadîja lui dit : « Ô cousin, je te désire à cause de notre parenté, de ta noblesse parmi ton peuple, de ta probité, de ta bonté, de ton caractère et de la véracité de tes paroles. » Environ deux mois plus tard, leur union est scellée. Khadîja a alors quarante ans ; elle est considérée comme la meilleure des femmes de La Mecque en raison de son noble lignage, de sa richesse et de sa sagesse. Le Prophète ﷺ, de quinze ans plus jeune, n’a encore que vingt-cinq ans.

Durant les vingt-cinq années de leur mariage, le Messager de Dieu ﷺ n’épouse aucune autre femme. Khadîja meurt à soixante-cinq ans, peu après l’embargo économique et social imposé aux Banî Hâshim et aux Banî al-Muttalib. Elle demeure la meilleure femme de l’islam. Elle est la première à embrasser la foi, et celle que le Prophète ﷺ semble aimer le plus. Dans un hadith rapporté par al-Bukhârî et Muslim, il déclare : « Marie est la meilleure des femmes [au ciel], et Khadîja est la meilleure des femmes [sur terre]. »

Tous les enfants du Prophète ﷺ naissent de Khadîja, à l’exception d’Ibrâhîm, dont la mère est Mâriya la Copte. Comme les autres fils du Prophète ﷺ, Ibrâhîm décède en bas âge. De son union avec Khadîja, le Prophète ﷺ a deux garçons — al-Qâsim et ‘Abdallâh — ainsi que quatre filles. Les Mecquois le surnomment d’ailleurs « Abû al-Qâsim » (le père d’al-Qâsim), un titre que l’on retrouve dans les ouvrages de Sîra.

Toutes les filles du Prophète ﷺ décèdent de son vivant, sauf Fâtima, l’épouse de son cousin ‘Alî, qui meurt six mois après lui. Ses trois autres filles sont Zaynab, Ruqayya et Umm Kulthûm. Le troisième calife de l’islam, ‘Uthmân b. ‘Affân, épouse d’abord Ruqayya, puis, à la mort de celle-ci, Umm Kulthûm. Ce double mariage lui vaut le surnom de « Dhû al-Nûrayn » — « l’homme aux deux lumières ».

Le Prophète ﷺ adopte aussi un fils : Zayd b. Hâritha. Il est le seul compagnon dont le nom est mentionné explicitement dans le Coran (cf. 33:37). Zayd est un jeune Arabe capturé à l’âge de huit ans lors d’une razzia. Esclave, il est vendu plusieurs fois avant d’être acheté par un cousin de Khadîja, qui l’offre ensuite à celle-ci. Khadîja le confie alors à Muhammad ﷺ. Le père de Zayd, éploré, finit par retrouver sa trace à La Mecque. Il se rend chez Muhammad ﷺ, accompagné de l’oncle du garçon, et propose une rançon pour le libérer. Le Prophète ﷺ leur dit : « Votre enfant est comme le mien ici. Posez-lui la question : s’il veut partir avec vous, je le lui permets, sans rançon. » Mais Zayd répond : « J’ai vu en mon maître des choses qui me le font préférer à tous, à tout jamais. » Ému par cette loyauté, Muhammad ﷺ conduit Zayd devant la Ka‘ba, proclame publiquement son affranchissement et annonce qu’il devient son fils. Dès lors, on l’appelle Zayd b. Muhammad, jusqu’à ce que la Révélation corrige cette appellation au moment du mariage du Prophète ﷺ avec Zaynab bint Jahsh — un épisode que l’on abordera en temps voulu.

Khadîja est une référence majeure lorsqu’il s’agit d’évoquer les grandes femmes qui ont contribué à l’élévation des grandes âmes. Les réformateurs de ce monde, profondément sensibles aux souffrances qu’ils perçoivent et qu’ils cherchent à guérir, portent en eux un combat exigeant, souvent douloureux. Pour résister à cette pression, ils ont besoin d’un soutien sincère, d’un cœur proche, capable d’absorber leurs peines et d’alléger leur charge. Dieu a voulu que ce rôle soit assumé par Khadîja. Et l’histoire témoigne qu’elle fut à la hauteur. Elle a su accompagner le Messager de Dieu avec tendresse, dignité et constance. Elle fut ce refuge émotionnel et spirituel, cette présence apaisante qui calmait les remous du cœur du Prophète . De nombreux notables mecquois avaient demandé sa main, séduits par sa richesse. Mais elle avait perçu dans leurs regards la convoitise. En Muhammad , elle ne vit ni avidité ni ambition matérielle, mais une sincérité rare et une noblesse de caractère. C’est ainsi qu’elle l’épousa, et leur union fut fondée sur la loyauté, l’harmonie et le rejet des pratiques idolâtres qui souillaient leur société. Ce bonheur fut cependant assombri par la perte successive de leurs fils en bas âge. Pour le Prophète , ces deuils précoces furent d’autant plus douloureux qu’ils ravivaient le traumatisme de son propre orphelinat. Pourquoi Dieu a-t-Il voulu que cette mélancolie profonde marque la vie de Son Messager ? Parce que ceux qui exercent l’autorité sans avoir connu l’épreuve sont exposés à l’arrogance. Une vie sans revers forge des gouvernants hautains, indifférents à la douleur des autres. À l’inverse, ceux dont l’âme a été éprouvée par la perte, la solitude ou l’injustice sont naturellement portés à la compassion. Ils deviennent des consolateurs, des guérisseurs de cœurs blessés. Ainsi, Dieu façonnait en Muhammad , à travers les douleurs intimes, le cœur du guide ultime : juste, humble, et profondément humain.

Muhammad al-Ghazâlî (Fiqh al-Sîra)

La pensée du Prophète était entièrement tournée vers l’au-delà. Même dans sa relation avec ses enfants, ce souci spirituel restait central. L’amour qu’il leur portait n’était jamais dicté par des préoccupations matérielles, mais animé par le désir sincère de les élever vers un rang élevé dans la vie éternelle. Un épisode marquant, rapporté par ‘Alî b. Abî Tâlib à Ibn ‘Abd al-Wâhid, illustre parfaitement cette orientation. Fâtima, la fille bien-aimée du Prophète , souffrait physiquement des tâches domestiques : ses mains étaient abîmées par le grain qu’elle moulait, son cou fatigué par le port répété de l’eau, et ses vêtements s’usaient à force de nettoyer la maison. Au même moment, le Prophète avait reçu un groupe d’esclaves. ‘Alî suggéra alors à Fâtima de solliciter son père pour qu’il lui accorde une servante. Elle s’y rendit, mais en raison de la foule, elle n’eut pas l’occasion de lui parler. Le lendemain, le Prophète vint leur rendre visite et s’enquit de ce que sa fille souhaitait lui dire. ‘Alî lui expliqua la situation et précisa qu’il avait lui-même encouragé Fâtima à faire cette demande. La réponse du Prophète fut empreinte de sagesse et d’élévation : « Ô Fâtima, crains Dieu. Accomplis tes devoirs envers Lui, et continue à t’occuper de ton foyer. Avant de dormir, récite : louange à Dieu 33 fois, gloire à Dieu 33 fois, et exaltation à Dieu 34 fois. Cela vaut mieux pour toi que d’avoir une servante. » Fâtima, dans sa foi sincère et son amour filial, répondit simplement : « Si telle est la volonté de Dieu et de Son Messager , alors je m’y soumets. » Et le Prophète ne lui donna pas de servante.

Wahidudin Khan (Mohamed un Prophète pour l’humanité)

Le Coran qualifie le Prophète Muhammad de porteur d’un « caractère sublime » [68 : 4], soulignant que cette perfection morale atteignait chez lui son expression la plus élevée. Bien entendu, la majorité des croyants ne peuvent égaler une telle excellence. C’est pourquoi on distingue deux niveaux de moralité dans le comportement humain : un niveau basique et un niveau supérieur. Le niveau ordinaire repose sur un principe simple et instinctif : « Agis envers les autres comme ils agissent envers toi. » Ce type de comportement peut être comparé à un réflexe — une réaction spontanée et mécanique. Ainsi, ceux qui s’y conforment blessent ceux qui les ont blessés, et répondent au mal par le mal. En revanche, le niveau supérieur s’appuie sur un principe bien plus noble : « Agis envers les autres comme tu aimerais qu’ils agissent envers toi. » Ceux qui incarnent ce haut degré de vertu traitent leurs contradicteurs avec miséricorde, indépendamment du mal qu’ils pourraient recevoir. Leur patience ne dépend pas des circonstances, mais d’une éthique intérieure profondément enracinée. Voltaire affirmait : « Nul n’est un héros pour son valet. » Cette remarque s’appuie sur une idée simple : celui qui côtoie une personne de très près finit par voir ses défauts, ce qui atténue l’admiration qu’il pourrait lui porter. Toutefois, cette idée ne s’applique en rien au Prophète . Bien au contraire : plus ses compagnons le fréquentaient intimement, plus ils étaient éblouis par la noblesse de son caractère et la finesse de ses vertus. Le témoignage de Zayd en est une illustration frappante. L’attitude du Prophète envers le père de Zayd témoigne d’ailleurs d’une tendresse naturelle, profondément ancrée dans son être. Cette douceur ne provenait pas d’un effort calculé, mais d’une disposition intérieure que Dieu lui avait accordée. C’est ce que confirme le verset : « C’est par une miséricorde de Dieu que tu es si doux envers eux. Si tu avais été rude et dur de cœur, ils se seraient tous détournés de toi » [3 : 159]. C’est cette douceur prophétique, mêlée à une grandeur d’âme inégalée, qui attirait les cœurs. Plus on vivait à ses côtés, plus on était bouleversé par la profondeur de sa bonté et conquis par la beauté de son caractère.

Wahidudin Khan (Mohamed un Prophète pour l’humanité)

Les paroles de Zayd, affirmant qu’il préférait Muhammad à son propre père, révèlent l’extraordinaire humanité du Prophète bien avant le début de la révélation. Cet attachement profond ne peut s’expliquer que par la noblesse de son caractère. Dès sa jeunesse, Muhammad faisait preuve d’une modestie sincère, d’une attitude réfléchie, d’une grande courtoisie, d’une honnêteté exemplaire et d’un sérieux remarquable dans ses affaires. Il traitait chaque personne avec respect, qu’il s’agisse d’hommes, de femmes ou d’enfants. Cette attitude constante lui valait l’amour et la reconnaissance de ceux qui le côtoyaient. Il n’est donc pas surprenant que les Mecquois lui aient attribué les plus beaux surnoms : al-Sâdiq (le Véridique) et al-Amîn (le Digne de confiance). Ces titres, bien avant la révélation, témoignent de la force morale d’un homme que Dieu allait bientôt choisir pour transmettre Son message à l’humanité.

Tariq Ramadan (Muhammad, vie du Prophète)

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