La révélation du Coran s’étale sur vingt-trois années. Elle commence à La Mecque et se termine à Médine, où le Prophète ﷺ est enterré. La période mecquoise dure environ treize ans, suivie par la période médinoise qui s’étend sur dix ans. Entre les deux se situe un événement fondamental : l’Hégire (hijra). Du point de vue des sciences du Coran, on parle de deux grandes périodes : la période mecquoise et la période médinoise. Cependant, en matière de prédication, les savants musulmans proposent une autre répartition. Ils distinguent, à La Mecque, deux phases : une phase dite « secrète et sélective », qui dure trois ans, puis une phase « publique » qui s’étend sur dix ans à La Mecque et dix ans à Médine. Durant la prédication secrète et sélective, le Prophète ﷺ appelle uniquement ses proches et ses amis intimes à l’islam. Lors de la prédication publique, il étend son appel aux Mecquois, puis à l’ensemble des Arabes de la péninsule, et enfin aux nations étrangères. La discrétion disparaît alors, conformément aux paroles de Dieu : « Proclame donc hautement les ordres que tu as reçus et détourne-toi des idolâtres ! » (15 : 94).
Concernant la prédication secrète et sélective, elle commence après la coupure qui suit la première révélation. Dieu ordonne à Son Messager ﷺ de se lever pour inviter à l’islam (74 : 1 à 7). Ces versets inaugurent le début de la prédication : le Prophète ﷺ doit avertir les gens, se purifier, glorifier Dieu et faire preuve de patience. Pendant les trois premières années, les versets révélés portent principalement sur deux axes : la nécessité de mener une vie droite, et la croyance en l’unicité de Dieu sans lui associer aucun associé. Le Prophète ﷺ commence donc par avertir ses proches et ses amis proches, choisissant avec soin ceux qui montrent une sincère disposition à rechercher la vérité. Plusieurs hommes et femmes embrassent l’islam, séduits par la force du message, la beauté du style coranique et le caractère irréprochable du Prophète ﷺ.
La première adoration prescrite par Dieu est la prière rituelle (salât). Selon une version, les croyants accomplissent deux unités de prière (rak‘a) le matin et deux autres le soir, passant également une grande partie de la nuit en prosternation devant Dieu. Ce n’est qu’environ un an avant l’Hégire, lors du voyage nocturne, que les cinq prières quotidiennes seront prescrites. Ibn Ishâq rapporte que le Prophète ﷺ se trouve aux environs de La Mecque lorsque l’ange Gabriel se manifeste pour lui enseigner la prière. L’ange frappe de son talon le sol d’un vallon, faisant jaillir une source. Il effectue ses ablutions, tandis que le Prophète ﷺ l’observe attentivement. Le Messager de Dieu ﷺ fait alors ses ablutions à son tour, puis prie derrière l’ange Gabriel en suivant son exemple.
La première femme à croire est Khadîja bint Khuwaylid, le premier enfant est ‘Alî, le premier esclave est Bilâl l’Abyssin, le premier affranchi est Zayd b. al-Hâritha, et le premier homme libre est Abû Bakr al-Siddîq. Khadîja et Zayd ayant déjà été évoqués, arrêtons-nous maintenant sur Abû Bakr, ‘Alî et Bilâl. Abû Bakr est un commerçant généreux et respecté. Sur sa conversion, le Prophète ﷺ dira qu’il est le seul à avoir embrassé l’islam sans hésitation ni réflexion préalable. Connaissant parfaitement le caractère du Prophète ﷺ, il le suit sans aucune réserve. ‘Alî n’a que dix ans à l’époque et vit sous le toit du Prophète ﷺ. On rapporte que le Messager de Dieu ﷺ avait proposé à son oncle al-‘Abbâs de soulager Abû Tâlib en prenant en charge certains de ses enfants, car la famille vivait modestement. Le Prophète ﷺ avait ainsi accueilli ‘Alî, tandis qu’al-‘Abbâs prenait en charge Ja’far. ‘Alî considère le Prophète Muhammad ﷺ comme un père et croit fermement en la véracité de son message. Un jour, Abû Tâlib surprend son fils en prière avec le Prophète ﷺ. Il lui demande : « Ô mon neveu, quelle est cette religion que je te vois pratiquer ? » Le Prophète ﷺ répond : « Ô mon oncle, c’est la religion de Dieu, de Ses anges, de Ses messagers et de notre ancêtre Abraham. Dieu m’a envoyé avec cette religion aux hommes. Toi, ô mon oncle, tu es le plus digne de mon appel. » Abû Tâlib répond : « Ô mon neveu, je ne peux abandonner la religion de mes ancêtres. Mais je jure que tant que je vivrai, rien de mal ne t’arrivera. » Puis, s’adressant à ‘Alî, il lui dit : « Certes, il ne t’a appelé qu’au bien. Attache-toi donc à lui. » Bilâl, quant à lui, est l’esclave d’Umayya b. Khalaf. Lorsqu’il est persécuté pour sa foi, Abû Bakr l’achète et l’affranchit.
Abû Bakr, respecté par ses pairs, utilise son influence pour appeler d’autres à l’islam. Grâce à lui, cinq nouvelles personnes se convertissent : ‘Uthmân b. ‘Affân, al-Zubayr b. al-‘Awwâm, ‘Abd al-Rahmân b. ‘Awf, Sa‘d b. Abî Waqqâs et Talha b. ‘Abdallâh. À la fin des trois premières années, environ soixante personnes embrassent l’islam, parmi lesquelles Abû ‘Ubayda b. al-Jarrâh, al-Arqam b. Abî al-Arqam, et Fâtima bint al-Khattâb, la sœur du futur calife ‘Umar b. al-Khattâb. Durant cette phase secrète, les croyants nouent entre eux de forts liens de fraternité, s’entraident, et entreprennent un travail profond de réforme du cœur. Durant cette première phase, l’islam touche toutes les couches sociales de La Mecque : sept conversions dans le clan modeste des Banû Hâshim et sept dans le puissant clan des Banû Makhzûm. Environ la moitié des convertis sont socialement considérés comme faibles : esclaves, femmes ou confédérés. Les femmes représentent environ un quart de la communauté musulmane. Le premier noyau de la foi est essentiellement composé de jeunes gens, comme ‘Alî et al-Arqam b. Abî al-Arqam. Les plus âgés, eux, se montrent plus conservateurs et réticents face au changement. Le Prophète ﷺ privilégie la qualité à la quantité. Il ne parle de l’islam qu’à ceux qu’il juge sincères et ouverts. Grâce à cette stratégie de sélection, il parvient à constituer un groupe solide qui, plus tard, résistera aux persécutions sans renier sa foi. Les Qurayshites restent neutres durant cette première phase. Ils considèrent alors l’islam comme une croyance supplémentaire venant enrichir le panthéon de La Mecque. Ce n’est que lorsque le Prophète ﷺ dénoncera publiquement le polythéisme que l’hostilité éclatera.
- La révolution spirituelle et universelle du Prophète ﷺ
- Trois piliers pour changer le monde :
- Dieu, L’Éducateur du Prophète ﷺ
- Les fondations spirituelles et sociales de la première communauté
- La foi, source de force et de persévérance
- L’islam, refuge des opprimés et défi aux puissants
- Prudence et stratégie dans la prédication
Les vingt-trois années de révélation doivent être considérées comme une révolution sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Cette révolution bouleversa l’ordre établi, provoquant la chute des empires perse et byzantin, et propulsa le message de l’islam jusqu’aux confins du monde connu. En quelques décennies, l’islam s’étendit en Syrie, en Égypte, en Irak, en Iran, à Bukhârâ, en Afrique du Nord, en Espagne, en Turquie, en Afghanistan, et bien au-delà. Dès 711 de l’ère chrétienne, l’islam franchit le détroit de Gibraltar pour s’enraciner dans la péninsule ibérique. Certes, il y eut aussi des revers, comme en 732 lorsque Charles Martel arrêta l’avancée musulmane à Tours, mais cela n’entrava pas la diffusion continue de l’islam. En 1453, Constantinople tomba aux mains des Turcs ottomans, ouvrant la voie à leur expansion en Europe de l’Est jusqu’en Yougoslavie. Au XVIᵉ siècle, les Mongols établirent un empire musulman puissant en Inde et en Afghanistan. Fruit des vingt-trois années d’efforts du Prophète ﷺ, le nombre de musulmans dépasse aujourd’hui largement le milliard (en 2014). Un tel phénomène, par son ampleur et sa pérennité, ne peut être que l’œuvre de Dieu ; jamais un simple homme n’aurait pu produire une transformation aussi universelle.
Au-delà de ses dimensions politiques, la révolution initiée par le Prophète ﷺ marqua l’humanité par de profondes réformes spirituelles et intellectuelles. Elle précipita l’essor du savoir écrit, préservant le Coran pour l’éternité. Elle apporta des principes de justice, de consultation et de liberté d’expression, jetant les bases d’une démocratie authentique. Cette dynamique favorisa également l’émergence de découvertes scientifiques, permettant une articulation nouvelle entre foi, raison et progrès. Par ailleurs, cette révolution apporta aux hommes une connaissance claire de l’au-delà, en leur donnant un aperçu concret des événements qui suivront la mort. Mais surtout, elle dévoila la réalité divine dans toute sa clarté. C’est pourquoi le Nouveau Testament évoque l’avènement du « Royaume de Dieu » en lien avec cette mission prophétique. Si la révolution initiée par le Prophète ﷺ a eu des répercussions politiques considérables, son résultat fondamental reste la concrétisation sur Terre de la souveraineté divine et la transmission à l’humanité d’une révélation porteuse de justice et de lumière.
Wahidudine Khan (Mohamed un Prophète pour l’humanité)
Lorsque l’islam naquit, le Prophète ﷺ était seul au monde à porter cette foi. Douze années plus tard, il quitta La Mecque pour s’établir à Médine, où il fonda un État musulman aux frontières encore restreintes. Onze ans après son installation à Médine, au moment de sa mort, l’islam s’était étendu à toute la péninsule arabique et atteignait déjà le sud de la Palestine. En moins d’un siècle, la vague de l’islam déferla vers l’ouest, traversant l’Afrique du Nord pour atteindre l’Espagne, et vers l’est, jusqu’aux confins de la Chine. On retrouve encore aujourd’hui des traces de cette expansion dans des régions aussi éloignées que Budapest. En France, certaines pierres ornant les clochers d’églises portent des inscriptions en arabe : vestiges du VIIIᵉ siècle, à une époque où le sud du pays faisait brièvement partie du califat de Damas. Cette réussite éclatante s’enracine dans un programme d’une extrême simplicité, résumé dans les versets suivants : « Ô toi qui te blottis sous un manteau ! Lève-toi pour commencer tes exhortations et glorifier le Nom de ton Seigneur ! Hâte-toi de faire tes ablutions, et de fuir toute abomination, en évitant cependant de te vanter de trop en faire et en te soumettant avec patience aux ordres de ton Seigneur » [74 : 1 à 7]. Ce programme fondamental repose sur trois piliers essentiels :
- La réforme individuelle : adorer Dieu seul, purifier sa moralité et fuir les mauvaises actions.
- La transmission du message : éveiller les consciences à la réalité de leur existence et à la certitude du retour à Dieu.
- La patience dans l’épreuve : car toute tentative sincère de réforme personnelle et collective entraîne nécessairement des épreuves et des résistances.
Ce sont ces fondements, simples mais profonds, qui ont permis au message de l’islam de transformer l’histoire de l’humanité.
Wahidudine Khan (Mohamed un Prophète pour l’humanité)
Dans toutes les premières révélations — notamment celles de ‘Alaq, Nûn et La clarté du matin — Dieu rappelle à Son Messager ﷺ qu’Il est son Rabb, son Éducateur. C’est Lui qui l’a choisi, qui l’a façonné dès son enfance alors qu’il était orphelin, et qui l’a élevé progressivement jusqu’à le préparer à porter la charge de la dernière révélation. Même si, lors de l’interruption de la révélation, le trouble et l’inquiétude dominaient la conscience de sa mission, il n’en demeure pas moins que son Rabb l’avait élu et formé depuis toujours, guidant son être en secret vers l’accomplissement de son immense destinée.
Tariq Ramadan (Muhammad, vie du Prophète)
Les versets révélés à cette étape exposent les fondements du dogme de l’islam ainsi que les actes que le croyant doit s’empresser d’accomplir. La révélation traite de l’unicité de Dieu, de la réalité de l’au-delà, de la purification de l’âme, ainsi que de la protection de l’intégrité de la communauté musulmane. Sur ce dernier point, Abû Bakr joua un rôle majeur en œuvrant à libérer les musulmans socialement vulnérables du supplice et de l’oppression. Cette protection de l’individu est un droit fondamental que la communauté musulmane doit impérativement garantir à chacun de ses membres.
Muhammad al-Ghazâlî (Fiqh al-Sîra)
**********
Les compagnons veillaient la nuit en prière, récitant le Coran et nourrissant leur lien avec Dieu. Cet effort constant renforçait leur spiritualité et affermissait leur foi. Grâce à cette discipline, ces premiers croyants devinrent des hommes et des femmes d’une piété profonde, dotés d’une patience inébranlable, d’une détermination solide et d’une confiance absolue dans les décrets divins. La présence du Prophète ﷺ parmi eux était un facteur décisif dans leur formation spirituelle, car Dieu avait fait de lui un modèle vivant, une source d’inspiration et de guidée pour tous ceux qui aspiraient à la proximité divine.
Tariq Ramadan (Muhammad, vie du Prophète)
Les premiers convertis s’accrochaient entièrement et exclusivement à leur foi, au Coran et au Prophète ﷺ. Malgré les persécutions qu’ils subissaient, ils continuaient à partager leurs convictions, tout en faisant preuve de prudence. Ce constat montre combien la foi agit comme une force extraordinaire : lorsqu’elle s’empare d’un cœur, presque rien ne semble impossible au croyant. Nombre de musulmans, jeunes et moins jeunes, ont ainsi consacré leur vie et leur énergie à défendre leur foi, affrontant les préjudices et persévérant sans faiblir. Aujourd’hui encore, des jeunes diplômés d’universités sont emprisonnés et persécutés pour leurs convictions religieuses ; ils acceptent leur sort avec dignité, conscients que défendre des principes exige parfois des sacrifices. Il en était de même au début de l’Islam. Les premiers compagnons possédaient une foi inébranlable en Dieu et en l’au-delà. Ils savaient qu’une fois délivrés de cette vie, ils seraient accueillis par Dieu et goûteraient à une vie éternelle au Paradis.
Muhammad al-Ghazâlî (Fiqh al-Sîra)
La plupart des premiers musulmans étaient des esclaves et des démunis. Cela a toujours été le cas dans l’histoire de l’humanité : déjà au temps de Noé, ses disciples étaient des pauvres, ce qui lui valut le mépris des notables de son peuple. Dieu rapporte dans le Coran : « Mais les notables de son peuple qui étaient incrédules lui dirent : ‘Nous ne voyons en toi qu’un mortel semblable à nous. Nous constatons que seule la lie de notre peuple t’a suivi sans réfléchir et nous ne vous reconnaissons aucun avantage sur nous. Bien plus, vous n’êtes pour nous que des imposteurs !’ » [11 : 27]. De même, Pharaon et ses hommes voyaient dans les partisans de Moïse des êtres faibles et méprisables. Pourquoi donc cette constante ? Parce que Dieu envoie Ses Messagers pour rappeler aux hommes que la seule autorité véritable est la Sienne. Ce message dérange les tyrans et les despotes, mais il vient en aide aux opprimés. Ceux qui s’estiment puissants s’opposent toujours à la religion divine, car elle brise leur orgueil. À l’inverse, elle tend la main à ceux qui subissent l’injustice. L’histoire suivante est particulièrement éloquente : lors de la bataille d’al-Qâdisiyya, Rustum, le commandant perse, demanda à Sa‘d b. ‘Amr : « Qu’est-ce qui vous pousse à nous combattre et à convoiter nos terres ? » Il lui répondit : « Nous sommes venus afin que les gens adorent Dieu Seul et cessent de se prosterner devant des tyrans. » Rustum se moqua de ces combattants musulmans, simples et démunis. Mais Sa‘d répliqua : « L’asservissement n’existe pas chez nous. Il serait préférable que vous renonciez à vos pratiques injustes pour vivre selon l’égalité et la fraternité. » Ces paroles touchèrent les serviteurs perses qui murmurèrent entre eux : « Cet homme dit vrai. » Même les généraux perses restèrent stupéfaits devant tant de clarté et de force morale.
Les musulmans issus des classes modestes ne furent pas les seuls à embrasser l’islam. D’autres, issus de la noblesse de la cité, rejoignirent aussi le message guidés par leur foi et leur conscience. Si l’islam conquit des hommes de toutes conditions, c’est aussi grâce à la noblesse de caractère du Prophète ﷺ et à la lumière de la révélation. Quant aux chefs qurayshites tels qu’Abû Jahl ou Abû Lahab, ils restèrent prisonniers de leur arrogance et refusèrent de se soumettre à Dieu. En se soumettant à Dieu, les opprimés retrouvèrent dignité et liberté. Plus rien ne s’interposait entre eux et leur Créateur, et ce lien direct avec Dieu leur apportait confiance et joie. Ce parcours montre l’absurdité de ceux qui prétendent que la mission du Prophète ﷺ serait née des idées dominantes de son époque. Si cela était vrai, comment expliquer que, trois ans après l’apparition de l’islam, seuls une quarantaine de personnes, majoritairement pauvres et esclaves, y aient adhéré ? Comment expliquer que des non-Arabes comme Shu‘ayb le Byzantin ou Bilâl l’Éthiopien figurent parmi les premiers croyants ? Enfin, il est bon de rappeler que le milieu arabe dans lequel vivait le Prophète ﷺ était largement hostile à son message, au point qu’il dut envoyer ses compagnons chercher refuge en Abyssinie. Comment alors prétendre qu’il représentait le mouvement des idées arabes de son temps ?
Muhammad S. R. Al-Bûtî (Fiqh al-Sîra)
Durant les premières années de sa mission, Dieu inspira à Son Prophète ﷺ de prêcher l’islam discrètement, bien qu’il fût sous la protection divine. Il faut comprendre que cette inspiration était elle-même une forme de révélation. Le Prophète ﷺ invitait à l’islam uniquement ceux en qui il plaçait une entière confiance, offrant ainsi aux générations futures un modèle de prudence pour tout prédicateur. Un homme de Dieu doit toujours user de moyens raisonnables pour accomplir sa mission. Il doit s’adapter à la réalité du terrain sans jamais trahir l’objectif ultime qu’est la diffusion du message. C’est pourquoi, à cette époque, le Prophète ﷺ agissait en tant qu’imam chargé d’une législation progressive, avançant par étapes selon les circonstances, et non comme Prophète énonçant immédiatement un discours complet et définitif. Les prédicateurs doivent donc faire preuve de souplesse et adapter leur stratégie aux besoins du moment. Selon les circonstances, ils doivent savoir soit dissimuler temporairement leur mission, soit l’annoncer publiquement, utiliser la force ou au contraire faire preuve de conciliation, toujours dans l’intérêt supérieur de l’islam et de la préservation de la communauté musulmane.
Lorsque les croyants n’ont aucune chance de victoire, leur premier devoir est de préserver leur vie. Comme le disait al-‘Izz b. ‘Abd al-Salâm : « Si la victoire est impossible, il faut renoncer à la confrontation, car risquer sa vie inutilement réjouirait l’ennemi et nuirait à l’islam. Résister dans ce cas est dangereux et sans utilité. » Ainsi, en situation de faiblesse, les musulmans doivent agir secrètement, éviter toute action précipitée qui pourrait nuire à leur foi et à leur communauté. En revanche, lorsqu’une opportunité se présente de proclamer ouvertement la vérité sans mettre en danger l’intérêt de l’islam, ils doivent la saisir avec fermeté. Ils ne doivent jamais céder aux oppresseurs si la résistance est possible. Si les conditions le permettent, il est même un devoir de défendre la foi et de repousser l’injustice sur leur propre territoire.