Pendant que le Prophète ﷺ fait face à l’hostilité des siens, une délégation de chrétiens d’Éthiopie, composée d’une trentaine d’hommes, vient s’informer sincèrement sur l’islam. Leur échange avec le Prophète ﷺ les touche profondément : ils écoutent avec attention la récitation du Coran, reconnaissent en lui la vérité et embrassent l’islam sans hésitation. Leur décision provoque la colère d’Abû Jahl, qui les interpelle en ces termes : « Je ne connais pas de délégation plus naïve que la vôtre ! On vous a envoyés pour vous renseigner sur cet homme, et voilà que vous abandonnez votre religion dès votre arrivée ! » Leur réponse est digne et pleine de foi : « Paix sur toi : nous ne partageons plus ton ignorance. Nous avons choisi un autre chemin que le tien et nous œuvrerons pour le salut de nos âmes. » Ce noble comportement est confirmé par une révélation coranique : « Ceux que Nous avions initiés aux Écritures avant le Coran croient à ce Livre, et quand on le leur récite, ils disent : ‘Nous y croyons, parce qu’il exprime la vérité émanant de Notre Seigneur. Et nous étions, avant cette révélation, déjà totalement soumis.’ Voilà ceux qui seront rémunérés doublement, parce qu’ils font preuve d’endurance, répondent au mal par le bien, donnent en aumône une partie de ce que Nous leur avons attribué, et se détournent, quand ils entendent un discours frivole, en disant : ‘À nous notre manière d’agir, et à vous la vôtre ! Que la paix soit avec vous ! Nous ne voulons pas engager de discussion avec des ignorants !’ » [28 : 52 à 55].
- La délégation chrétienne : un signe de victoire au cœur des épreuves
- La foi des chrétiens d’Éthiopie : continuité de l’Évangile au Coran
L’arrivée de cette délégation chrétienne à La Mecque, venue rencontrer le Prophète ﷺ à un moment où la persécution battait son plein, démontre que les épreuves endurées par les croyants ne mènent ni au découragement, ni à l’échec. Elles n’incitent ni au désespoir, ni à l’abandon du combat. La souffrance est souvent le prélude à la victoire. Cette délégation, composée d’une trentaine — voire d’une quarantaine — de chrétiens, avait traversé la mer pour venir à la rencontre du Messager de Dieu ﷺ et lui témoigner leur engagement. Ce geste symbolique prouvait que, malgré l’hostilité et la violence des opposants, rien ne pouvait entraver la propagation du message islamique. Les ennemis de l’islam, aussi virulents soient-ils, ne parviendraient jamais à en bloquer les effets. Même Abû Jahl, dans sa haine, semblait percevoir cette réalité, à en croire ses propos virulents à l’égard des Éthiopiens. Mais que pouvait-il réellement faire ? Lui et ceux qui partageaient sa position ne pouvaient qu’intensifier leur brutalité envers les musulmans, sans pour autant réussir à enrayer l’essor de la mission prophétique.
Muhammad S. R. Al-Bûtî (Fiqh al-Sîra)
Quelle fut donc la nature de la foi de cette délégation chrétienne venue à la rencontre du Prophète ﷺ ? S’agissait-il d’une conversion soudaine, d’un passage brutal de l’incrédulité à la foi ? En réalité, ces hommes n’ont pas renié leur religion d’origine. Ils demeuraient fidèles à la foi qu’ils avaient toujours suivie, en appliquant les principes de l’Évangile. Les sources biographiques les désignent d’ailleurs comme les « gens de l’Évangile » : ils croyaient en cette révélation et en suivaient les enseignements. L’Évangile qu’ils suivaient annonçait la venue d’un messager qui viendrait après Jésus — un homme nommé Muhammad ﷺ, dont les traits, les qualités et la mission étaient clairement décrits. Il était donc tout à fait cohérent et naturel qu’ils reconnaissent en Muhammad ﷺ celui qui venait prolonger la mission du Messie. Leur foi envers lui n’était pas une rupture avec leur tradition, mais l’accomplissement de ce que l’Évangile annonçait. En croyant au Prophète Muhammad ﷺ, ils restaient en fidélité avec la révélation qu’ils avaient reçue auparavant.
Le Coran lui-même vient confirmer les révélations précédentes, en particulier la Torah et l’Évangile. C’est pourquoi Dieu ordonne à Son Prophète ﷺ de rappeler aux gens du Livre que leur foi ne saurait être complète tant qu’ils ne suivent pas les prescriptions authentiques de leurs propres Écritures. Il leur est dit dans le Coran : « Dis : ‘Ô gens des Écritures ! Tant que vous ne vous conformerez pas à la Thora, à l’Évangile et à ce qui vous a été révélé par le Seigneur, vous n’accomplirez rien de valable !’ » [5 : 68]. Cela confirme que depuis Adam jusqu’à la mission de Muhammad ﷺ, il n’y a eu qu’une seule religion véritable : la soumission à Dieu. Il peut y avoir diversité de rites ou de prescriptions légales, mais la doctrine essentielle — l’unicité de Dieu, la prophétie, la foi et la droiture — reste inchangée. Par conséquent, l’expression « religions célestes » que l’on entend parfois est trompeuse : il n’y a pas eu plusieurs religions divines différentes, mais une seule, transmise à travers des révélations successives.